Entreprise

Entre la «manufacture» et l’entreprise actuelle de confection et lifestyle pour femme et homme, la marque PKZ représente bientôt 140 ans d’une histoire mouvementée. 

Par Jeroen van Rooijen 

1881 est une année turbulente. La Guerre des Boers fait rage en Afrique du Sud, les Français annexent la Tunisie qui appartenait jusqu’alors au Royaume d’Oman, aux États-Unis, A. Garfield, victime d’un attentat, ne reste président que pendant seulement 4 mois, et les premières écoles publiques ouvrent en France. Quant à la Suisse, celle-ci est en pleine mutation, passant de l’ère de l’agriculture à celle de l’industrie – avec l’industrie textile en principal fer de lance – et le chemin de fer du Gothard vient de fêter son ouverture. En cette année 1881, le jeune entrepreneur Paul Kehl fonde sa première usine textile à Winterthur. De sobres affiches typographiques annoncent l’ouverture d’une «boutique spécialisée en vêtements pour hommes et garçons».

Trois ans plus tard, l’entreprise déménage sur la Bahnhofstrasse zurichoise et prend le nom de Paul Kehl Zürich – le nom PKZ est né. Kehl est un pionnier dans son domaine. Dès 1895, PKZ produit ses propres collections dans la Lavaterstrasse à Zurich, à l’exposition nationale de Genève l’année suivante, il obtient une médaille d’or pour la qualité et l’innovation de ses vêtements. La «boutique spécialisée en vêtements pour hommes et garçons» de Paul Kehl n’est pas seulement synonyme de confection solide, elle propose aussi d’élégantes guêtres et des manteaux imperméables. Des affiches signées par des artistes (dont Ludwig Hohlwein), devenues aujourd’hui de véritables pièces de collection, se chargent de faire savoir dans toute la Suisse que «l’homme du monde achète chez PKZ». 

En 1908, Hertha, la fille de Paul Kehl, épouse un employé de l’entreprise – deux ans plus tard, à la mort du fondateur de l’entreprise, son gendre Karl Burger reprend le flambeau. L’entreprise porte depuis le nom de Burger-Kehl & Co. Après Karl Burger, le suivent ses fils, Walter et Rudolf, puis finalement, Philippe Olivier Burger, fils du dernier propriétaire unique Walter Burger, qui façonnera pendant de longues années, l’histoire plus récente de la marque, en tant que patron, président du conseil d’administration et actionnaire unique de PKZ. Ph. Olivier Burger a non seulement un sens accru de la qualité et du style, il est aussi très habile pour sentir les nouvelles niches du marché : c’est notamment le cas en 2008, avec le lancement d’une marque propre, Paul Kehl, en hommage à ses ancêtres. 

Sous la direction du charismatique Ph. Olivier Burger, l’entreprise déménage en 1989 vers son nouveau centre névralgique à Urdorf, d’où une nouvelle phase d’expansion est conduite depuis les années 90. En 1994, PKZ reprend les filiales du concurrent Esco. En 1997, il réussit la reprise de la maison Feldpausch. Puis en 2002, Ph. Olivier Burger ouvre, sur la Bahnhofstrasse à Zurich, un magasin entièrement dédié au segment du luxe sous le nouvelle bannière «Burger». Avec le lancement de sa Boutique en Ligne PKZ.CH, en 2011, Ph. Olivier Burger prend alors une bonne longueur d’avance sur la concurrence, et en 2014, les différentes marques du groupe se regroupent sous le nom de PKZ Men & Women. 

En 2015, Ph. Olivier Burger meurt de manière inattendue à l’âge de 61 ans. La direction de l’entreprise familiale revient à Manuela Beer, une année après son arrivée chez PKZ. Avant cela, cette spécialiste en gestion d’entreprise ayant fait ses études St Gall, était cheffe du marketing et des achats chez Globus. Depuis, Manuela Beer a non seulement gagné la confiance de la famille Burger, mais aussi le respect dans une branche rigoureuse et fortement concurrentielle. Tout comme les fondateurs de la marque et héritiers de PKZ l’ont expérimenté avant elle, Beer est capable de saisir des opportunités et diriger sa barque même par vents contraires.  

Sous la houlette de Manuela Beer, PKZ, marque jusqu’alors très masculine, est devenue plus féminine, ce qui a engendré un fort développement de la marque au cours des dernières années. En tant qu’éditrice d’«Inside», le magazine de la marque, Manuela Beer s’adresse aujourd’hui à plus de 400 000 abonnés et plus d’1 million de lectrices et lecteurs dans toute la Suisse. Beer interprète la crise économique aigüe due à la pandémie de Coronavirus de 2020 comme un signal d’alarme: «Ce que nous traversons est pour nous une chance de réfléchir et d’agir de manière plus responsable en ce qui concerne certains thèmes, notamment celui de la durabilité.» En 2021, PKZ lancera une nouvelle stratégie de durabilité, pesant plus et jouant un rôle majeur dans la sélection des produits.